Bugatti EB110, la première supercar : une tragédie à l’italienneEnviron 18 minutes de lecture

by Julien Zlata14 février 2023

L’histoire de l’EB110 avec Bugatti, la marque la plus prestigieuse du monde, ressuscitée avec une supersportive qui a 15 ans d’avance technologique ? Avec plus du double de la puissance d’une Porsche 911 de son époque ? Qui met 30 km/h dans la vue d’une Ferrari F50, cette limace ? Je signe tout de suite !  C’est exactement ce que j’aurais dit en 1994 si j’étais millionnaire. Dommage.

Les années 90 en Bugatti EB110

Oui, j’aime les supercars des années 90. Et alors, vous allez faire quoi ? Bref, aujourd’hui, on parle de la seule, de l’unique, de la première que je m’achèterais en cas de victoire à l’Euromillions : la Bugatti EB110. Elle avait tout pour elle : un moteur fait maison (oui je te regarde, McLaren F1), quatre roues motrices et un V12 (oui je te regarde, Jaguar XJ220), des innovations à la pelle, un nom des plus prestigieux (oui, je te regarde… toutes les autres)… et pourtant, elle a été un flop, malgré la publicité faite par Michael Schumacher qui en a acheté une. Les ambitions pour cette auto étaient gigantesques, trop gigantesques.

Étant donné que c’est une auto qui a été seule dans la gamme Bugatti Automobili SpA pendant toute son existence, l’histoire du modèle et celle de l’entreprise sont étroitement mêlées. Prenez un chocolat chaud, posez vos pieds sur un gros coussin, le chat sur les genoux, et c’est parti, plongeons dans la folie des grandeurs des années 90 dans l’automobile.

L’idée est née dans les années 80, dans le cerveau embrumé de vapeurs de limoncello de Romano Artioli. Artioli, c’est un homme qui a grandi dans l’amour de l’automobile, qui a fait des études dans l’automobile, puis s’est lancé dans la vente automobile, au point d’être à la tête de la plus grande concession Ferrari du monde, étendant son réseau jusqu’en Allemagne. Ce dernier rêve de ressusciter Bugatti, ayant vécu comme un coup de poignard dans le cœur la fin de la marque en 1952, l’année de ses 20 ans.

Trois hommes et un coup fin (oui, c’est facile)

Pour mener à bien son projet, Romano rencontre alors trois hommes : Ferrucio Lamborghini, qui aurait soi-disant fondé une petite marque de tracteurs dans une région plutôt connue pour ses recettes de sauce tomate, Jean-Marc Borel, un universitaire français qui avait écrit des livres sur Lamborghini et possédait donc des liens avec ladite marque de tracteurs, et Paolo Stanzani, légende vivante (enfin, à l’époque, RIP) ayant travaillé à la conception de la Miura, de la Countach ou encore de la Ferrari GTO (c’est son nom original, le « 288 » a été utilisé par les gens pour éviter la confusion avec la 250 GTO, et Ferrari a par la suite « adoubé » le 288).

Le projet est d’abord de créer une nouvelle marque de voitures de sport, et deux écoles s’affrontent : Lamborghini veut y aller doucement, en commençant petit, mais Artioli veut tout de suite taper fort, et quitte à taper fort, autant ressusciter la marque qui l’a fait rêver dans sa jeunesse. Ces désaccords menèrent au départ de Lamborghini, qui restera cependant toujours en contact avec Artioli, et participera en sous-main au projet.

Racheter la marque Bugatti

C’est Jean-Marc Borel qui a la tâche la plus dure au début : il négocie pour racheter la marque Bugatti. Cette dernière appartient alors à Messier-Bugatti, filiale de la Snecma, propriétaire également de la marque Hispano-Suiza. Les négociations ont duré deux ans, afin d’obtenir le droit de racheter un fleuron de l’industrie française pour le déraciner et l’emmener en Italie. Les négociations furent fructueuses, sinon on ne serait pas là à en parler, et le projet démarre pour de bon.

Octobre 1987, la société Bugatti Automobili SpA est officiellement créée, ainsi que la holding Bugatti International holding, qui en détient 65 % : les 35 % restants sont la propriété de Tecnostile, bureau d’études de Stanzani, où de nombreux anciens de chez Lamborghini sont en activité. Fin 1987, l’emplacement de l’usine est trouvé : c’est à Campogalliano, tout près de Modène, que seront fabriquées les autos, sur un terrain de 75 000 m².

Genèse d’un bateau-drapeau, comme disent les Anglais

Le nom de la nouvelle sportive est immédiatement trouvé : elle s’appellera EB110, et sortira en 1991, pour le 110e anniversaire d’Ettore Bugatti, fondateur de la marque (énigme : trouvez le rapport entre le nom de la voiture et les informations). Romano Artioli convoque alors le Comité Tactique en session extraordinaire pour décider de ce que sera la EB110, et il dit à Stanzani : « Paolo, mon ami, mon frère, te souviens-tu du bruit des cigales dans la campagne de Milano où ni toi ni moi n’avons grandi ? Hé bien je veux que la EB110 soit la meilleure voiture de sport du monde, je veux qu’elle soit un jalon dans l’histoire de l’automobile, je veux qu’on s’en rappelle pour les siècles et les siècles. » Enfin, je n’étais pas là, mais je pense que c’est comme ça que ça s’est passé.

Bref, carte blanche pour Paolo : on va construire un truc de fou. Il faut que le truc en question aille très très vite, accélère très très fort, et soit très très facile à conduire, ce qui n’est pas gagné. Dans ces années-là, la Testarossa ou la Countach ne sont pas vraiment conciliantes en ville, et chaque trajet au volant est une épreuve : la EB110 doit éviter ça, tout en stratosphérisant ses occupants (spoiler : ça va très bien marcher).

Une merveille (et c’est une litote)

Ce cahier des charges va imposer des dimensions compactes, avec notamment un empattement de 2,55 m (pour info, une XJ220 c’est 2,64 m, une Diablo, qui sortira en 1990, 2,65 m) pour plus d’agilité, mais sinon Stanzani va s’en donner à cœur joie côté dinguerie technique : période post-groupe B oblige, on va avoir une transmission intégrale mais aussi des freins carbone, une suspension active (les freins et la suspensions seront abandonnés en route. Enfin dans cette configuration, la voiture finale a quand même des freins et une suspension), des matériaux composites et du magnésium partout.

Et pour le moteur, on met la totale, ail et fines herbes comprises : ce sera un V12, de 3,5 l, avec 5 soupapes par cylindres, et surtout 4 turbos IHI. Résultat : 560 chevaux à 8 000 tr/min (avec une zone rouge à 8 500 tr/min, mais la légende dit qu’il peut prendre 10 000 tr/min), 611 Nm à 3 750 tr/min. Et ce sera encore plus sur la S : 612 chevaux et 351 km/h.

Papaouté ?

C’est début 1989 que Bugatti fait appel à des bureaux de design pour la EB110, avec des indications précises : moins de 4,40 m de long (c’est peu, une Diablo fait 4,46m, une XJ220 4,93m et une F40 4,35 m), et de quoi accommoder le moteur et la boîte 6 rapports. C’est Marcello Gandini qui remporte le gros lot avec un dessin qui tient à la fois de la Cizeta-Moroder V16 T et de la Lamborghini Diablo (et pour cause, la V16 T hérite d’un dessin proposé pour la Diablo à la base), avec un gros aileron (moche).

Début 1990, la société française Carbone Industries livre 7 châssis en aluminium pour habiller les 7 prototypes de la EB110, et les voitures sont testées sur circuit, chez Michelin. Courant 1990, Paolo Stanzani, père de la EB110, au moins techniquement, quitte l’aventure, comme on dit. Plus précisément, il est remercié par le board des dirigeants de la marque. Peut-être l’homme, à qui la EB110 doit le plus, ne la verra pas sortir des chaînes de production. Ses désaccords avec Artioli étaient devenus trop importants, les deux hommes sont fâchés.

Pour remplacer ce monstre de compétence et de connaissance, on recrute alors un autre grand nom de l’automobile de l’époque : Nicola Materazzi. Il a travaillé sur des dizaines de voitures, et a notamment été ingénieur en chef pour les projets Ferrari GTO Evoluzione (vous savez, celle qui perdait des roues sur le circuit du Mas du Clos, comme le racontait Pierre Bardinon) et F40, rien que ça ! Il sera assisté par Pavel Rajmis, qui vient de chez Audi, ayant travaillé sur le système Quattro.

C’est l’heure des derniers ajustements… Et si on changeait le châssis et le dessin ?

Le développement des prototypes suit son cours, et quelques changements sont ainsi faits : Michelin crée un nouveau pneu pour la voiture, le MXX3 en 18 pouces. Oui, le pneu qui équipera tellement de sportives est né pour la Bugatti, pour une simple raison : c’était la seule à offrir ce niveau de performance à sa sortie. De son côté, Materazzi demande à Aérospatiale de créer un châssis carbone pour la voiture : les pilotes d’essais se sont plaints d’une perte de rigidité du châssis en nid d’abeille/aluminium au cours des tests. Le châssis final permet une rigidité deux fois plus importante, pour un poids inchangé.

Pour l’anniversaire d’Ettore Bugatti le 15 septembre 1990, un grand raout est organisé à l’usine et son inauguration : pour l’occasion, un convoi de 77 Bugatti a fait le chemin entre Molsheim et Campogalliano. Sur place, champagne et petits fours. Toutes les personnes ayant travaillé sur le projet sont invitées, toutes sauf… Paolo Stanzani.

À un an de la présentation du modèle définitif, la voiture n’est terminée ni techniquement, ni esthétiquement. Suite à des critiques sur le dessin de Gandini, et au refus de ce dernier de modifier quoi que ce soit, Artioli charge Giampaolo Benedini de retoucher l’auto. Benedini n’est pas un inconnu, il a dessiné l’usine de Campagalliano, et est surtout le cousin d’Artioli. Exit les phares pop-up, les conduites d’air à l’avant sont redessinées, et une évocation du radiateur « fer à cheval » des Bugatti historiques est ajoutée à l’avant. La construction du dernier prototype de la voiture est lancée en… août 1991, un mois avant la présentation. On n’est plus dans du timing serré là, c’est même plus du timing du tout : c’est l’urgence. C’est le 20 août que Artioli teste le dernier prototype, qui n’a même pas ses portières.

La voiture la plus rapide du monde ! Deux fois !

La patron valide le tout, et le grand défi commence : l’équipe a moins d’un mois pour faire de ce prototype une vraie voiture. Et ils y arrivent. Le 14 septembre 1991, présentation en grande pompe sur l’esplanade de la Défense, avec des dizaines de Bugatti anciennes : la première EB110, châssis GT 005, est présentée en bleu Bugatti avec intérieur gris clair. Elle descend ensuite les Champs-Élysées avec Jean-Philippe Vittecoq au volant et Alain Delon, parrain de luxe, en passager. Ensuite, une grande réception est donnée à l’orangerie du château de Versailles pour 1 800 convives. Dans la nuit, la voiture repart pour Molsheim et la présentation le jour de l’anniversaire d’Ettore, au sein de la demeure historique de Bugatti. Une conférence de presse est ensuite donnée à la collection Schlumpf.

Au cours des mois suivants, d’autres prototypes seront construits et développés, vers la voiture finale. Le 24 mai 1992, une équipe se rend à Nardo, Italie, avec le but de battre des records, et c’est ce qu’ils font : avec 342 km/h, la EB110 GT est la voiture de production la plus rapide du monde. On peut aussi préciser qu’elle abat le 0 à 100 km/h en 3,46 s, et le tout avec un lest à 1 850 kg pour simuler un passager. Le 16 septembre 1992, la EB110 est officiellement homologuée, après un crash-test à l’Utac. Les lignes de production commencent à sortir des voitures. Tout va bien. Le 29 mai 1993, rebelote : on retourne à Nardo, et la EB110S bat le record de la GT avec 351 km/h. Bugatti fait ensuite le tour du monde pour présenter l’auto : Angleterre, Japon, Allemagne.

La super-supercar : l’EB110S

C’est dès le début de l’année 1992 qu’Artioli évoque le fait de créer une version plus sportive de la EB110 : ce sera la EB110S, pour Supersport. Ou SS, pour Sport Stradale (les deux ont été utilisés dans les communications officielles, mais les voitures sont badgées S).

On est sur une cure d’amaigrissement assez brutale : la climatisation la radio sont d’abord supprimées, puis seront réintégrées dans les versions de production. Les vitres passent d’électriques à manuelles, et les sièges électriques font place à des baquets en carbone. Le tableau de bord en bois est désormais en carbone, et la boîte à gants est supprimée. La Bugatti EB110S est présentée pour la première fois au salon de Genève, le 5 mars 1992 : le poids annoncé est de 1 418 kg, 200 de moins que la GT, et la puissance est de 612 chevaux, 52 de plus que la GT (principalement obtenus par une augmentation de la pression des turbos et des pièces internes spécifiques en titane et magnésium).

Comment reconnaitre une Bugatti EB110S ?

Pour la reconnaître, c’est facile : l’aileron arrière est fixe et réglable, à l’inverse de l’aileron dynamique de la GT, il y a des trous d’aération au niveau des custodes et une très jolie prise d’air NACA (qui permet de prendre l’air sans perturber le flux aérodynamique autour) juste en-dessous. Le bouclier avant présente des « moustaches » sur les côtés, et il y a de discrètes évacuations d’air chaud juste derrière les roues avant. Et côté intérieur, on a finalement gardé la clim et la radio, mais fini le cuir et les sièges électriques : il y a du carbone partout et des vitres manuelles. Elle est plus bestiale, mais élégante quand même, et surtout toute petite : on ne prend la mesure de sa compacité que quand on est en présence de la bête. La dernière fois que j’en ai vu une, j’ai fait une crise d’épilepsie devant.

Même Schumi ne peut pas sauver Bugatti

Puis en avril 1994, énorme coup de pub : on livre la Bugatti EB110S Giallo Bugatti châssis n°SS20, équipée sur commande spéciale d’un intérieur de GT en cuir bleu (sauf le volant, c’est celui de la S), à un client très spécial : Monsieur Michael Schumacher lui-même. L’opération média est savamment préparée, et une réussite totale. Malheureusement, Bugatti est en danger économiquement : la crise au Japon a fortement baissé les revenus de Romano Artioli, car les ventes de Suzuki ont fortement baissé. Ferrari ayant coupé les ponts avec lui pour des raisons évidentes au début du projet Bugatti, il essaye de revendre Lotus, achetée en août 1993, pour se renflouer : personne n’en veut. Pour couronner le tout, Ferrari a commencé à faire pression sur les fournisseurs pour que Bugatti ne soit plus livrée, et les problèmes d’approvisionnement compliquent encore les choses.

En 1995, la production est mise en pause par manque de pièces. Et en septembre, le 23, Bugatti est déclarée en faillite. Au total, environ 136 voitures ont été construites, prototypes compris. C’est la fin d’une histoire, le début d’une autre : Volkswagen rachète la marque, Gildo Pastor via le Monaco Racing Team, rachète des autos, et des pièces, et Dauer également. Volkswagen rachète ensuite, dans le plus grand secret, une EB110S pour faire le mulet de tests pour la conception de la Veyron, et s’échinera ensuite pendant pas mal de temps à éliminer la EB110 de l’histoire de la marque, tant ses performances faisaient de l’ombre à la nouvelle venue. Mais l’histoire a rattrapé les perfides germains, qui ont bien été obligés de reconnaitre l’évidence : la Veyron n’est qu’une EB110 tunée. On peut encore sentir le seum de VW à des kilomètres, ce qui me met fort aise.

La Bugatti EB110 en compétition

C’est Michel Hommell, amateur éclairé à qui on devra notamment la Hommell Berlinette, et patron de presse (Échappement, Nitro, Mille Miles, Auto Hebdo, entre autres, c’est lui), qui engagera le premier une EB110 en course, et pas n’importe où : aux 24 Heures du Mans, terre de légendes et de victoires pour la marque. Il achète donc une EB110S, l’allège jusqu’à 1 280 kg, et la prépare pour la course (elle devient d’ailleurs EB110 S LM). Aux 24 Heures 1994, la voiture se qualifie en 17e position aux mains d’Alain Cudini, Eric Helary et Jean-Christophe Bouillon.

Malheureusement, malgré des performances très honorables, après quelques fuites d’huile et quelques soucis de turbo, la Bugatti termine dans les barrières de Mulsanne, mettant fin à tout espoir de victoire. Le Monaco Racing Team a également engagé la EB110 en course (renommée EB110 SC), en séries IMSA et BPR en juin 1995 notamment, soit trois mois avant la banqueroute. Comme en 1995, la voiture sera accidentée, lors des préqualifications au Mans 1996. Reconstruite, elle sera engagée aux 2 Heures de Dijon la même année, et sera de nouveau détruite. Quand ça veut pas…

La Bugatti EB110, ses records étranges, sa valeur aujourd’hui

Bugatti a aussi chassé des records originaux : le premier, un record de vitesse pour une voiture fonctionnant au méthane le 3 juillet 1994 : l’EB110 GT Greengas. Le moteur a été modifié pour pouvoir être alimenté en essence ou en méthane, et c’est à Nardo (oui, encore) que la voiture atteint 344,7 km/h, un record mondial. C’est en revanche une Supersport qui battra le record de vitesse sur glace le 2 mars 1995, avec une moyenne de 296,34 km/h sur un kilomètre lancé, le tout sur des pneus hiver classiques, non cloutés. Le record tombera très longtemps après, aux mains d’une RS6, en 2013 ! On peut aussi ajouter le record de la plus triste résurrection d’une marque, tant les espoirs étaient grands.

Aujourd’hui, les EB110 prennent de la valeur et ont récupéré leur statut de supercar : alors que début 2000 une EB110S pouvait s’acheter pour moins de 180 000 €, on est vite passés, après le grand pic de 2015, à 550 000 € (GT) et 904 000 € (la EB110 S du record sur la glace) en 2016, et aujourd’hui on est dans la « zone F40 » avec des prix à 2,2 millions pour une S. Un juste retour des choses. Parce qu’elle est mieux qu’une F40, vulgaire Clio avec ses plus de 1 300 exemplaires et ses technologies passéistes (il paraît que pour faire de l’audience sur le web, faut faire du clash, alors j’y vais).

Epilogue : Dauer et la Bugatti EB110

Lors de la faillite de la marque, vous vous rappelez (c’était il y a trois minutes a priori, faites un effort) que Dauer a racheté pas mal de choses. Marque complétement folle qui a notamment commis la Dauer 962 Le Mans. Comme son nom l’indique, c’est une Porsche 962 avec des clignotants, du cuir sur les sièges et surtout sans brides à l’admission, permettant aux 730 chevaux de s’exprimer pleinement. Bref, Dauer a fait de belles emplettes lors de la vente des reste de Bugatti Automobili Spa : un des prototypes carbone, trois Supersport en cours de montage, sept châssis, 15 moteurs et un gros paquet de pièces détachées.

Jochen Dauer, un peu le @Vtyok local, décide donc en 1999 de finir les autos qu’il a achetées pour les vendre (cher), mais surtout, il décide de ressusciter la EB110S, en l’améliorant un peu : carrosserie carbone (180 kg de gagnés par rapport à l’aluminium), upgrade de puissance avec 645 chevaux voire 705 avec l’échappement sport. Elle vend à nouveau du rêve. La première voiture est présentée sans peinture, juste la coque carbone vernie. Malheureusement, en 2005, le Fisc allemand, qui n’est pas connu pour son sens de l’humour, toque à la porte de Jochen, et quelques temps après c’est la faillite. C’est encore la fin de l’histoire pour la EB110, qui va encore mourir, après 5 exemplaires de produits. Encore dommage.

Epilogue 2, le retour : Edonis, la superlative confidentielle

Dernier sursaut de la EB110, l’Edonis est conçue par Jean-Marc Borel et Nicola Materazzi, qui recrutent des anciens de chez Bugatti, une vingtaine, pour lancer B engineering, une officine qui va faire l’entretien des EB110 du monde entier, et qui va surtout produire une version plus moderne d’icelle, plus exclusive, plus puissante… Bref, plus mieux. Elle s’appellera Edonis, parce que le plaisir (Ils avaient pensé à Pognonis parce qu’elle est super chère mais ça n’a pas été retenu), et elle sera mieux que la EB110S sur tous les plans : le V12 est passé à 3,8 l de cylindrée, à deux turbos au lieu de 4, et à 680 chevaux. La transmission intégrale est abandonnée, la coque carbone intégrale est adoptée, et la vitesse serait de plus de 355 km/h. Fun fact : l’Edonis étrennera les pneus Michelin PAX, qui seront plus tard montés sur la Veyron.

Présenté en 2000, il est prévu d’en fabriquer 21 exemplaires : un par siècle passé. Chaque exemplaire doit porter le nom d’un grand scientifique de son siècle. Les ambitions sont énormes, et seuls deux modèles sortiront des chaînes de production, en plus du prototype. Pourtant, je vous avoue que l’annonce de la bête et son reportage dans Sport Auto ont hanté mes nuits d’adolescent et que je rêve encore aujourd’hui d’en voir une en personne. Je ne suis pas défaitiste, mais j’avoue que je n’y crois pas trop…

La conclusion, enfin !

La Bugatti EB110 est plus qu’une supercar : c’est peut-être bien la première supercar. Une telle avance technologique sur la concurrence, des performances si élevées, le tout avec une facilité de conduite incroyable… Le projet était bien celui-là : créer une voiture extrêmement performante, mais conduisible au quotidien. Pour elle, Aérospatiale a créé un châssis carbone, Elf a créé des huiles de transmission et moteur, Michelin a créé des pneus…

Niveau production, comme beaucoup de voitures à l’histoire compliquée, c’est difficile de savoir précisément, d’autant qu’il y en a eu des reconstruites, des finies après, des jamais finies… mais on estime le nombre d’EB110 GT fabriquées à 84, le nombre de EB110S à 31, et à tout ça on peut ajouter 5 prototypes châssis aluminium, 11 prototypes châssis carbone, et 5 prototypes de S.

La Bugatti EB110 a été une telle avancée technologique qu’elle a servi de mulet pour la création de la Veyron, même si l’Allemand a mis longtemps avant de l’accepter comme faisant partie de l’héritage de la marque. Elle a marqué son époque, mais s’est vite faite évincer par la petite nouvelle qui a débarqué de Woking, là… mais c’est une autre histoire (injuste).

Toutes les photos de la Bugatti EB110

Les photos proviennent toutes de Volkswagen Group, Bonhams, RM Sotheby’s et The Bugatti EB110 Registry.

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Julien Zlata