Nouveau Peugeot 3008 / e-3008 : chronique d’un succès annoncéEnviron 7 minutes de lecture

by Olivier Gauthier19 octobre 2023

Tous les médias automobiles en ont parlé à la rentrée : Peugeot vient de présenter le nouveau Peugeot 3008 ainsi que sa variante électrique . Celui-ci sera disponible en versions hybrides et électriques (e-3008). L’enjeu est considérable pour la marque sochalienne qui renouvelle son best-seller, véritable machine à cash, en même temps qu’elle fait son entrée sur le segment très porteur des SUV C électriques.

Les versions thermiques/hybrides du nouveau Peugeot 3008

Le Peugeot 3008, proposera deux ensembles motopropulseurs fonctionnant au sans-plomb.

En entrée de gamme on retrouvera donc le 1.2 turbo essence Puretech microhybride de 136 ch (doté de la nouvelle boîte à double embrayage à six rapports électrifiée) présenté récemment. Il est d’ailleurs disponible depuis quelques temps sur 3008 et 5008 actuels et envahit petit à petit toutes les gammes du groupe Stellantis. A priori débarrassé de ses soucis de fiabilité il représente, à notre sens une bonne entrée de gamme, d’autant plus que c’est un des rares moteurs microhybrides capable de mouvoir en 100 % électrique.

Une gamme au-dessus, Peugeot proposera un 1.6 turbo Puretech hybride rechargeable de 195 chevaux équipé d’une batterie d’une contenance nette de 19 KWh nets (21 KWh bruts), qui serait capable d’assurer une centaine de km sans brûler d’essence. Si ce moteur, surnommé « Prince », conçu conjointement avec BMW, traîne une mauvaise réputation à cause des nombreux problèmes de fiabilité qu’il a rencontré en début de carrière, cela fait maintenant presque 10 ans qu’il est robuste. Cette nouvelle version hybride de 195 chevaux peut être considérée comme une nouvelle évolution de celles déjà existantes de 180, 225 ou 250 chevaux. On note tout de même que malgré le fait que la batterie soit d’une énorme capacité pour une hybride rechargeable, l’autonomie annoncée serait que de 80 km.

Clairement, l’efficience des hybrides Peugeot semble toujours aussi critiquable. Le poids et l’aéro de la bête nous paraissent être en cause.

Les trois versions électriques de l’e-3008

Peugeot a beaucoup communiqué sur la version électrique du 3008, l’e-3008. Et pour cause, cet e-3008 va être la première voiture du groupe Stellantis à étrenner la variante électrique de la plaforme modulaire STLA Medium.

Le 24 février 2024, jour de lancement de la commercialisation du Peugeot 3008 3ème génération, en même temps que les versions thermiques précédemment décrites, l’e-3008 sera disponible avec un couple moteur-batterie de 210 chevaux (154 KW) – 73 KWh. L’autonomie annoncée est de 525 km.

Durant le second trimestre 2024, une version équipée de la même batterie de 73 KWh arrivera sue le marché. Elle développera cette fois 320 chevaux (235 KW) profitant de l’ajout d’une moteur sur le train arrière, faisant de l’e-3008 une voiture à quatre roues motrices. Étonnamment, l’autonomie annoncée est la même que pour la traction équipée de la même batterie.

Enfin, début 2025, une version « grande autonomie » sera proposée à la vente, annonçant 700 km d’autonomie. Elle sera équipée d’une batterie plus importante (de 98 KWh), et d’un seul moteur de 230 chevaux (169 KW). Cette troisième version sera donc une traction.

De prime abord, ces trois versions semblent être en phase avec le marché et plutôt pertinentes face à leurs concurrentes potentielles. Les puissances annoncées sont assez modestes par rapport aux autres marques, mais clairement « suffisantes ». Cependant, quelques points interrogent.

Notre inquiétude relative au poids des nouveaux 3008 et e-3008.

La voiture est lourde. Très lourde. Très très très lourde.

Ainsi, le poids de l’e-3008 se situera entre 2 114 et 2 174 kg suivant la taille de la batterie. C’est énorme. Les versions directement comparables de la Tesla Model Y pèsent 200 kg de moins. Le nouveau Scénic dans sa version grande autonomie équipée d’une batterie de 87 KWh se limite à 1 843 kg.

On peut reconnaître que la marque au lion est, le plus souvent, très honnête quand elle communique sur le poids de ses véhicules. Cependant l’écart, qui sur le papier est de 200 kg avec les concurrents, ne devrait pas se réduire dans des proportions considérables. Tablons sur environ 150 kg.

Notre inquiétude sur la finesse des 3008 et e-3008

Malgré les efforts entrepris, la finesse aérodynamique ne semble pas au rendez-vous. Bien au contraire même. Les chiffres de Cx et de SCx annoncés par Peugeot sont en effet très décevants.

Petit rappel :

  • le Cx mesure le coefficient de traînée d’un objet. Il est utilisé pour quantifier la traînée ou résistance d’un objet dans un fluide.
  • le SCx est égal au coefficient de traînée multiplié par la surface frontale exposée à l’air (en mètre carré).

C’est le SCx qui est le plus important. En effet, on comprend bien que si ma miniature de Lamborghini Diablo présente le même Cx que la véritable à l’échelle 1, il faut plus de force pour lutter contre le vent quand on déplace cette dernière.

Ainsi, pour qu’une voiture présente une résistance aérodynamique faible, il faut donc qu’elle est une forme fine (un Cx faible), mais également une surface frontale la plus réduite possible. C’est pour cela, par exemple, que de plus en plus de constructeurs proposent des rétro-caméras.

Bref l’e-3008 a donc un Cx de 0,28 et un SCx de 0,75. Un Tesla Model Y (encore, oui je sais) fait beaucoup mieux : respectivement 0,23 et 0,67. Un Skoda Enyaq Coupé également : 0,234 et on peut être sûr que son SCx est inférieur à 0,7.

Les conséquences de ce surpoids et de cette finesse

Être à la fois aussi fin aérodynamiquement que Cyril Hanouna est intelligent, et dans le même temps être aussi lourd qu’une blague de Jean-Marie Bigard, ne va pas aider les Peugeot 3008 et e-3008.

Concrètement, l’autonomie à 130 km/h de l’e-3008 risque d’être très décevante. En effet, si Peugeot peut annoncer une consommation en cycle WLTP faible, aux alentours de 14 KWh, c’est simplement parce qu cette norme ne prend que peu en compte la consommation sur autoroute. Or, ce n’est que sur les trajets autoroutiers qu’une piètre performance aérodynamisme rend une voiture vraiment peu efficiente. On peut donc s’attendre, sauf miracle, à une consommation sur autoroute d’a minima 24 KWh aux 100 km (et encore, s’il ne fait pas trop froid !). Comme les Peugeot hybrides ne brillent généralement pas par leur efficience en mode EV, le miracle a peu de chances de se produire.

Donc sur un « long » trajet autoroutier les arrêts devront se faire assez régulièrement. En supposant que le départ se fasse à 100 % le premier interviendra au bout d’environ 345 kilomètres (15 % de batterie restant) et, après une recharge jusqu’à 80 %, les suivants s’effectueront tous les 265 kilomètres. Vraiment pas dingue. Comme en plus la recharge ne dépassera pas 400V (et non 800V comme sur les Ioniq 5 et 6), les pauses vont être relativement longues : 27 minutes annoncées pour passer de 20 à 80 %.

Le surpoids ne devrait pas non plus favoriser le dynamisme, ni la consommation sur des trajets nécessitants d’effectuer de nombreuses relances.

La cause probable de ces maux

On vous ment ! Enfin « on ». Peugeot et Stellantis surtout. La plateforme STLA Medium n’est pas du tout nouvelle. C’est seulement une mise-à-jour de la très bonne EMP2 que l’on connaît bien… mais qui commence à dater. Elle a en effet été inaugurée par la 308 II, présentée il y a maintenant plus de 10 ans.

Alors comment une plateforme, unanimement reconnue comme excellente il y a 10 ans, serait devenue si mauvaise aujourd’hui ? Tout simplement parce qu’elle n’a pas été conçue initialement pour accueillir des motorisations hybrides. Et encore moins pour être la base de véhicules 100 % électriques.

La 308 II était louée pour sa légèreté lors de sa sortie : 1 200 kg environ à sa sortie en milieu de gamme essence soit 200 kg de moins que ses concurrentes de l’époque. Aujourd’hui la 308 III, dont le châssis doit pouvoir accueillir de lourdes batteries, est rentrée dans le rang et ses versions hybrides sont même plus lourdes que ses concurrentes.

Dans le même sens, les contraintes techniques (qui ont des répercussions aérodynamiques) ne sont pas les mêmes entre électriques, hybrides et thermiques. En dessinant la 3008, les designers ont donc dû répondre par un seul dessin à des contraintes différentes et parfois opposées. Résultat ? La finesse d’une armoire normande. Bon j’exagère mais vous m’avez compris.

Peugeot n’est pas le seul à rencontrer ce genre de problèmes avec ses plateformes multi-énergies. Chez BMW la série 4/i4, dont le châssis est partagé avec tous les modèles, de la série 2 coupé à la série 7/i7 est elle aussi une enclume.

Pourquoi les Peugeot 3008 et e-3008 se vendront malgré tout bien ?

Tout d’abord, parce que malgré leurs défauts, elles restent très probablement des bonnes voitures et répondent aux attentes du marché :

  • le 3008 de 136 chevaux aura de faibles émissions et devrait, a priori, faire partie des rares SUV familiaux, hors PHEV et FHEV, à ne pas être soumis au malus 2024 (ou dans une tranche très basse), il séduira donc les entreprises,
  • le 3008 PHEV de 195 chevaux sera fiscalement très intéressant pour les sociétés et aura un moteur suffisant pour plaire à ceux qui veulent une voiture dynamique,
  • la version grande autonomie de l’e-3008 consommera beaucoup sur autoroute ? Certes, mais la communication éludera élégamment cela et la batterie a une capacité si importante que cela ne sera pas si handicapant que cela,
  • le châssis sera, sans aucun doute, réglé aux petits oignons. Alors ok ce ne sera pas Climb Dance tous les matins en allant au boulot en 3008, mais quand même ça devrait être sympa.

Ensuite parce que le classement, par ordre d’importance, des critères d’achat d’une voiture est le suivant :

  1. le prix => faisons confiance à Peugeot pour avoir une politique prix pertinente,
  2. la marque => Peugeot est la marque automobile préférée des Français,
  3. l’esthétique => le style Peugeot plaît depuis maintenant environ 10 ans et le Peugeot 3008 a été salué pour son esthétique, tant concernant l’habitacle que la ligne générale.

Conclusion

Les Peugeot 3008 et e-3008 sauront, sans aucun doute, rencontrer leur public. Attention quand même à ne pas cannibaliser la 408 qui, par son profil de berline-coupé surélevée, sest très proche de ce 3008 à l’allure de SUV-coupé.

Malgré tout, nous aurons probablement un goût d’inachevé en les conduisant.

En effet, en bénéficiant d’une plateforme dédiée à l’électrique l’e-3008 aurait sûrement été intrinsèquement une meilleure voiture, plus efficiente, mais surtout aurait dans le même temps permis à la 3008 d’être elle aussi une meilleure voiture, libérée des contraintes induites par l’utilisation d’une plateforme multi-énergie.

Allez, je m’en vais enregistrer une nouvelle alerte Leboncoin : 308 GTI by PS, 270 chevaux.

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Olivier Gauthier