Ridicool #1 : Pontiac Aztek me as I amEnviron 8 minutes de lecture

by Le Stagiaire30 mars 2021

On dit parfois que les chiens ressemblent à leurs maîtres. Calquer cette idée sur l’automobile est ridicule, nous sommes d’accord ? C’est pourtant ce qui va permettre à la Pontiac Aztek de passer de ridicule à Ridicool. Mais pas que, car la triste histoire de cet engin part pourtant d’un délire dont manque cruellement le marché automobile depuis des années…

Pontiac Aztek pack C10H15N

Nous sommes le 20 janvier 2008, une grande partie de la population (celle qui possède la chaîne AMC ou qui a un bon site de torrents) découvre la Pontiac Aztek, voiture de Walter White, prof de chimie à l’université d’un petit bled du Nouveau-Mexique, qui arrondit les fins de mois en lavant des bagnoles après les cours. Une vie de merde en somme.

La série Breaking Bad pose ses bases, et, sans le vouloir va lancer la cote de popularité de la Pontiac Aztek pile l’année qui suivra son retrait du catalogue. Le parfait timing !

Le réalisateur Vince Gilligan a expliqué dans différentes interviews qu’il trouvait que cette voiture caractérisait parfaitement la vie de son personnage principal. Fun fact, la couleur dans la série n’existe pas. Et ouais, ce joli gris taupe vomi (qu’on trouve sur beaucoup de voitures ces derniers temps) a été spécialement créé pour s’accorder à la personnalité lisse et gentillette de Mr White. Il a poussé le vice jusque-là Gilligan !

S’en est donc suivi une « hype abrutissante » plus régulièrement appelée un buzz qui a engendré une augmentation des prix (toutes proportions gardées, mais vu l’engin, c’est beaucoup). Et oui, le millésime le plus côté n’est pas le plus récent, mais bien celui présent dans la série. Mais comment est-on passé d’engin détestable à engin « désirable » ? Peut-être parce qu’à l’origine, il était bien pensé !

SUV qui peut !

Nous sommes en 1999 et aux Zétazunis la mode des SUV commence à se faire sa place dans les banlieues. Au revoir le break trop long avec ses inserts extérieurs en bois et bonjour la bagnole haute et large. C’est ainsi qu’on qualifiera le Jeep Cherokee de 1984 premier SUV de l’histoire. Oh je sais, vous allez me gueuler comme seul internet sait le faire (de façon mal écrite et lâche) que les Rav 4 et Vitara existaient déjà bien avant. Même le Jimny – meilleur 4×4 du monde – existait avant.

Certes, mais c’est pourtant le Cherokee premier du nom de 1974 qui va réellement préfigurer le standard des années 2010 jusqu’à aujourd’hui encore (mais je peux me tromper #stagiaire).

Or, Pontiac n’a pas de Sport Utility Vehicle au catalogue. Il en faut un et ça tombe bien, parce que Tom Peters et son équipe sont sur le coup depuis 5 piges.

Je veux une caisse like U (et un pick up aussi)

Tom Peters, c’était le responsable du design chez General Motors, celui qui a dessiné la Camaro de 2010 (Bumblebee si vous préférez) ou encore la Corvette C6. Ce n’est pas n’importe qui malgré son nom banal. Au milieu des années 90, Tommy et son équipe aimeraient passer un S10 et un Camaro dans un mixer pour en sortir une espèce de smoothie riche en fer et en cylindres.

GM de son côté cherche un véhicule pour cibler les jeunes qui ont autre chose à faire que de glander toute la journée devant la Playstation. GM veut un véhicule aussi sportif que pratique, aussi moderne que polyvalent. Mais GM ne vise ni du jeune friqué, ni du jeune trop pauvre. Le constructeur veut du jeune plein de passions en plein air et qui va avoir besoin de rentrer autant de trucs solides variés dans sa bagnole, que de trucs liquides alcoolisés dans son estomac.

Ni une, ni deux, Tom et son équipe se penchent sérieusement sur le projet.

En 1999, le concept Bear Claw (griffe d’ours) est présenté à Detroit sous le nom AZTEK. Et franchement, il pète. Si, il pète. Tu me juges ?
Je te rappelle que t’as regardé les tarifs du Hyundai Kona, tu ne peux pas dire qu’il ne pète pas ce concept d’Aztek.

Puis il est malin cet engin. Il ne propose pas une bagnole pour se déplacer. Il propose un engin pour se déplacer et déplacer des trucs un peu partout pour faire des trucs un peu partout.

Pontiac Aztek : c’est le turfu !

Le concept car tranche radicalement avec les habitudes des 4×4 et des SUV. Il est futuriste. Il est fait pour être robuste, amovible, pratique, vaste et modulable.

Regardez un peu l’arrière : le hayon en 2 parties prouve la volonté d’en faire un engin à vivre. Littéralement. Poser son popotin sur le hayon pour manger un bout, enfiler sa combinaison avant d’aller surfer, vérifier les sacs avant la randonnée ou changer un bébé qui n’est peut-être pas le sien. La Pontiac Aztek a même posé avec un système de tente aménagée à l’arrière.

Tu t’imagines dans les hauteurs d’un lieu magique, dormant à la fois dans et en dehors de ta voiture, aux premières loges pour voir le soleil se lever, une bouteille vide d’alcool entre les jambes et un vieux sandwich Daunat à moitié fini collé sur la joue ? C’est l’aventure bordel !

Le Pontiac Aztek, tel qu’il a été présenté, était une invitation à vivre des Koh Lanta automobiles. Et très franchement, il remplissait parfaitement sa mission ! D’ailleurs, la hype est bien présente, le concept est un succès et GM se voit déjà rouler sur l’or, dominant le concept du SUV et s’accaparant la clientèle jeune branché et active, une cible particulièrement complexe à séduire car anticonformiste par nature. GM sent l’oseille mais GM est GM. Un groupe qui ne pige pas que s’accaparer un marché nécessite parfois de s’assoir sur la rentabilité à court terme. C’est là que ça va capoter !

La loi des séries

Et ça va commencer par un modèle de série nettement moins attrayant. Notamment au niveau de l’intérieur qui rappelle une caisse lambda. On est plus proche de l’invitation à faire les courses après le taf que de partir à l’aventure faire du bivouac avec ses potes.

Idem pour l’extérieur avec cette économie de peinture pour une caisse dont le prix était au niveau de modèles bien mieux finis et équipés.

Quels modèles ? Au pif, le Ford Escape, moins clivant dans le style, mais 4000$ moins cher pour un meilleur équipement. Il donnera d’ailleurs le Kuga.

Puis la Pontiac Aztek n’a pas ce truc en plus, ce « One More Thing » qu’Apple sait très bien mettre en avant. Le truc qui te fera passer à la caisse. Car ce ne sont généralement pas les millions de R&D investis dans le moteur, mais la caméra à 360° qui coûte 50 balles qui fait ouvrir le chéquier numérique.

Les pare-chocs non peints n’aident pas non plus à faire rêver et l’instrumentation est fade. Surtout après celle présentée dans le concept-car. Les clients se seraient crus à un date Tinder si Tinder avait existé.

Le V6 (seul moteur dispo) accouplé à une boite auto à 4 vitesses est lent, anémique, mais ce n’est pas un souci : à cette époque, on mettait encore des 2L atmosphériques dans des 206CC… En France !

Enfin, Pontiac à cette période cherchait une identité. Or, l’Aztek suivait la tendance (pas folle) du moment.

Malgré une pub « les jeunes c’est fun », la sauce ne prend pas plus qu’une samouraï-harissa dans un kébab.

En 2005 : le final d’avant la renaissance

Avec un démarrage en douceur (11 201 exemplaires dans un pays de 285 millions d’habitants) pour un peu moins de 120 000 caisses vendues fin 2005, c’est un échec. GM sonne le glas et écoule les restes jusqu’en 2007.

Mais en 2008, Breaking Bad cartonne et Vince Gilligan va donner à l’Aztek un rôle secondaire important. Oui elle est moche, oui la couleur est moche, oui elle symbolise l’échec social et professionnel. Mais surtout, elle sera mal replacée par une Dodge Charger SRT8 de 2012 rouge.

Une caisse qui attire autant les regards que les ennuis. Donc les vrais, ceux qui sont malins, ceux qui ont tué le game roulent en Aztek.

D’ailleurs, dans la dernière saison, la Pontiac est vendue pour à peine 50$ et sonne l’acte de fin pour cette voiture qui aura pris cher tout au long de la série. Car ne rêvez pas, elle n’est ni extraordinaire, ni particulièrement fiable. Elle est imparfaite, différente, maladroitement originale à l’extérieur et terriblement banale à l’intérieur, comme n’importe quel humain. Elle fait le job, ni plus ni moins, avec parfois des problèmes et de la casse.

Elle symbolise l’anti-réussite. Cette bagnole, c’est un renvoi esthétique au quotidien des gens normaux. Tu le sais, tu rêves de Porsche Cayenne mais t’es allé essayer un Hyundai Kona.

Vous comprenez maintenant pourquoi cette caisse mérite le label RIDICOOL !

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Le Stagiaire
Nourrit à base d'huile de tournesol 15W40 et de chips Vico, le stagiaire n'a pas de nom, parce qu'il ne le mérite pas. Il nettoie les locaux virtuels de Hoonited et entre 2 coups de serpillère virtuelle, il écrit des trucs et taxe des voitures pour les essais.