Pourquoi diable ai-je acheté un SUV ?Environ 12 minutes de lecture

by Le Stagiaire27 août 2021

Je n’ai pas d’affection particulière pour les SUV. Je ne les déteste pas, c’est juste qu’ils me font autant d’effet qu’une Billy Ikea dans la salle d’attente d’un médecin : c’est grand pour ce que ça contient, pas facilement maniable, on ne voit pas trop ce qu’il y a au bout et je n’ai pas d’autres éléments de comparaison. Pourtant, le 19 décembre 2019, nous (ma moitié et moi-même) avons acheté un SUV. Mais pourquoi diable avons-nous fait cela ? Je vais tout vous expliquer et en détail, car le diable roule en Lada s’habille en Prada et se cache dans les détails.

Les années 1990-2000 : les mangas, Gran Turismo, Trueno A86 et le civisme façon Honda Tuning Show

Dans les années 1990 à 2000, nous commencions à sentir que le bordel arrivait. Mais nous nous en foutions, parce que Chop Suey ! inondait les ondes radio, les Boys Band étaient vus comme des beaux gosses athlétiques plutôt que comme des célébrités éphémères tournant à la coke et nous pouvions squatter la Fnac pour lire des mangas sans se faire virer par un vigile. Internet balbutiait et pour se rincer l’œil, nous achetions des magazines de bagnoles pour voir « en vrai » les bolides que nous conduisions virtuellement dans Gran Turismo. C’était un temps magique qui a eu une influence sur tous les connards de boomers d’aujourd’hui, dont je suis fier de faire partie.

Evidemment, à force de tâter de la Nissan R33, de la Subaru Impreza, de la Civic Type R, et de la Mazda Demio plus dopée qu’un cycliste du TDF, nous nous sommes pris à rêver d’un futur où ces bagnoles que nous ne connaissions pas avant ce jeu seraient nôtres. Pour enfoncer le clou, le Japon a accouché d’un manga sauce Tuning-Tofu (oui Initial D, bravo Captain Obvious) dans lequel une Toyota Trueno A86 a autant de charisme que Supercopter. Nous nous disions que tout n’irait que mieux.

Nous avions tort.

6 940 jours plus tard

C’est long 6 940 jours, puisque ça fait 19 ans, soit tout une jeunesse. Depuis plein de réalités me sont arrivées en pleine face : les 2Be3 ne sont plus Three, les acteurs de Supercopter sont tous morts, Gran Turismo est plus efficace qu’un Lexomil et le Tuning n’est plus dans l’esprit des gens qu’un truc chelou pour ceux qui n’ont pas les thunes pour acheter des caisses neuves, ou ceux qui en ont trop et veulent être différents.

Concernant le marché automobile, de nouveaux problèmes sont apparus et l’ont influencé plus fort qu’un geste de Ronaldo à un conférence de presse.  Mais de mon côté, je m’en tamponnais la calandre, car j’enchaînais les caisses plus âgées que les plans Q de certains Youtubeurs. En réalité, j’avais 2 voitures : une superbe 206 CC bleu électrique et un magistral Opel Meriva que mes parents m’avaient donné pour pallier l’absence de place de la CC à l’arrivée du bambino. La 206 CC datait de 1999, soit de la sortie de Gran Turismo II et le Meriva datait de quasiment la même période, sauf que c’était un ancien modèle donc grosso modo, c’était aussi une caisse de presque 20 ans, soit presque deux fois l’âge d’Avril Lavigne (c’est cadeau).

J’adorais les bagnoles avant de savoir marcher, mais paradoxalement, je n’avais jamais eu l’oseille l’occasion de me payer une voiture récente et encore moins neuve. La 206CC (2.0L 16V quand-même, faut pas déconner) était donc la caisse la plus fun que j’avais possédée (et mériterait peut-être sa propre page sur ce site, un jour, qui sait).

L’arrivée du Bambino

Un enfant, ça change votre vie. Vous souhaitez être de bons parents et donc protéger votre progéniture pour être certains qu’elle connaîtra le monde de merde que vous lui avez laissé. Cette surprotection est utilisée à outrance par l’industrie du marketing. Autant dire que conduire son môme dans une auto plus millésimée que la bouteille de vodka whisky de son patron revient à afficher « parents irresponsables » à l’arrière de sa voiture. Donc on se dit qu’il faut changer de voiture. Mais financièrement, ce n’est jamais le moment. Alors le destin (ce gros FDP) a décidé de nous donner un petit coup de pouce en générant de gros frais sur chacun des deux véhicules que l’on possédait. De quoi abandonner l’idée de lâcher une somme folle pour réparer 2 engins qui ensemble n’en valaient pas la moitié.

A cela s’ajoutait mon véhicule de déplacement urbain : le vélo.

N’y voyez aucune démarche écologiste de ma part, j’utilise ce moyen de transport depuis le lycée parce qu’il n’est pas cher, parce qu’il est cool et qu’il m’empêche de dépasser le quintal. Donc virer 2 voitures pour une auto, c’était un deal rentable. Enfin, on le croyait.

Du rêve japonais à une réalité germano-ibérique

6 mois, j’ai mis 6 mois à réaliser mon étude de marché. Entre temps, on limitait les usages des voitures. La 206 tournait bien, mais nous avions peur qu’elle nous sorte une panne de derrière les Peugeot. Quant au Mériva, il n’attendait que de donner son dernier tour de moulin, ses phares laissant paraître la volonté de finir une vie dure mais brave au milieu d’amas de métal.

En octobre 2019, alors que la Chine n’a pas encore averti le reste du monde qu’elle fait face à « une petite gripette », nous (ma femme et moi-même) nous sommes rendus chez Honda. Notre dévolu était une superbe Honda Civic 4 portes (Sedan) 1.5L turbo DOHC (j’en chiale) 182 cv toute équipée : intérieur cuir de qualité, toit ouvrant petit mais la taille n’a pas d’importance, un moteur prêt à durer et un coffre malle relou certes, mais procurant une ligne de toute beauté. Le tout dans une couleur rally red qui faisait péter la rétine. Boîte auto, régulateur adaptatif, caméra de recul, des trucs qu’on trouve même sur une Sandero aujourd’hui. Mais n’oubliez pas que nous faisions alors un bon de 20 ans en avant. Le « gap » était forcément immense.

Alors à 38 ans, je passais la CB pour l’acompte de ce qui serait la première voiture neuve, moderne de ma vie. Une bagnole qui, en plus, faisait écho aux rêves d’un ado fan de caisses de la génération Grand Turismo. J’ai failli commettre une erreur…

Le dictat de la con – sommation !

Forcément, après cet acompte de 1 000 €, j’ai appelé mon ami d’enfance qui est accessoirement dans le marché automobile depuis 20 ans, pour lui faire part de mon acquisition, fier. Je lui annonçais ça comme un truc incroyable, à lui, qui a possédé presque tous les modèles Renault RS les plus exclusifs, une coccinelle écrasée Porsche et d’autres engins à arracher les circuits. Il a très vite su pourquoi j’avais caqué, joignant l’utile (berline longue, parfaite pour voyager) au fantasme (une Civic Bordel !). Il me félicita puis il ajouta un petit truc : « OK donc petit conseil, reprends ton acompte et laisse tomber cette voiture ».

En 20 ans, j’avais suivi les sorties des modèles, mais pas le marché. Pas le business de la bagnole. Pas ce qui fait qu’on achète une caisse. J’étais resté dans mon délire d’ado. Mais le monde et particulièrement le monde automobile avaient changé, radicalement changé et ça, mon pote le savait. Parfois, il faut savoir écouter ses amis et s’assoir, fort, sur ses rêves d’enfant.

Le marché, cette sale race !

Voici les trois choses importantes à savoir :

  1. On achète ce que le gouvernement veut qu’on achète. A moins d’avoir un énorme budget.
  2. On achète ce qui se revend bien car notre usage peut changer et il faudra changer de voiture.
  3. On ne garde jamais longtemps une voiture si on en a l’usage.

Comprenez par-là : dans un marché qui fait la girouette, acheter sa voiture revient à miser à la roulette au casino, à accepter de garder une auto jusqu’à son dernier kilomètre ou la revendre avec une énorme perte.

Or, ce qui se revend bien, ce sont les SUV. Donc il me conseilla un SUV. Et en 6 mois d’étude de marché, je ne les avais même pas regardés.

Pourtant, les SUV cartonnent avec une progression continue et phénoménale ces 6 dernières années pour atteindre 44% des ventes cette année, que diable !

L’achat d’un véhicule utilitaire sportif

Un SUV est un nom qui définit un croisement entre un 4×4 traction (c’est comme un grand requin blanc sans dent), une sportive et un Kangoo. Vous mettez ça dans un shaker, vous secouez, ajoutez une dose de copyrighting axé sur la liberté, la sportivité et le fun, saupoudrez d’une paire de jantes énormes dotés de taille basse et bam, ça fait des Chocapic un véhicule utilitaire à obédience sportive.

J’exagère. Le SUV c’est le renouveau commercial du monospace : comprenez le véhicule familial nouvelle génération. Là où ton Espace IV tanguait plus fort qu’un stagiaire de Hoonited invité par Victor Diakov à un colloque sur l’alcool de pomme de terre, le SUV ne bronche pas. Il ne bronche pas car son châssis est au top et il dispose de ces choses dont le monospace est privé : les innovations techniques modernes comme les suspensions adaptatives, la conduite autonome de niveau 2, Android Auto et Apple Car Play sans fil, la possibilité de régler des trucs à distance. Evidemment, on y retrouve aussi un seuil de chargement haut qui est plus pratique pour récupérer bébé qui dort après une session drift sur le parking de Leader Price. Enfin, ça a nettement plus de gueule qu’un monospace qui est, pour rappel, un utilitaire un peu moins moche.

Le rejet du Monospace

Après une grosse étude et compte tenu d’une période qui commençait à être complexe niveau stock, j’avais porté mon choix sur un Seat Ateca, finition Excellence, tout équipé et noir métallisé, doté de jantes 19 pouces et de pneus taille basse pour bien ressentir les aspérités de la route et ruiner le confort des passagers.

A l’entrée dans la concession, il est là ! Ce Tiguan raccourci de 12 cm en longueur, clone saveur paella du Karoq de Skoda. J’ai tenté de m’orienter vers le Sharan ibérique (l’Alhambra). Mais impossible ! Et c’est là, la grande raison des choix des SUV.

Comment s’orienter vers un monospace au châssis plus vieux de dix ans, doté d’une motorisation ancienne génération, d’un intérieur dépassé, dénué des dernières technologies pratiques et affiché à plus de 42 000 euros quand le SUV, mieux équipé, plus beau, plus dynamique, doté des dernières innovations s’échange pour 12 000 euros de moins ?

Les gens qui blâment les acheteurs de SUV n’ont probablement pas eu à choisir un véhicule en concession récemment. Il n’y a rien sur le marché qui offre le même espace à bord, dont la hauteur de toit et le dégagement aux jambes avec un coffre modulable. Certains parlerons d’un break mais oublient la revente. Car un SUV, surtout aussi bien équipé et avec le bon coloris et les bonnes jantes ne traîne pas sur La Centrale, quand un break prendra la poussière virtuelle et un monospace ne sera même pas regardé.

L’expérience post-achat : de gap de malade !

En marketing, on parle d’expérience post-achat : c’est le degré de satisfaction du client après son passage à la caisse. Dans notre cas, à ma femme et moi-même, cette expérience allait forcément être ultra positive. Vous imaginez un bon de 20 ans en avant, dans un véhicule neuf (une première), avec une caméra à 360°, la conduite autonome de niveau 2, un toit panoramique, des sièges chauffants et Android Auto / Apple Car Play ? Dites vous que nous ne nous attendions pas à grand-chose. Par conséquent, nous étions logiquement hyper contents.

Donc ce n’était pas le SUV qui nous avait rendu heureux, c’était le bon dans le futur que nous avions réalisé.

La revente de l’Ateca

Après 18 mois de bons et loyaux services, nous avons revendu notre Ateca. Et vous savez quoi ? Nous avons bien fait d’écouter mon ami d’enfance. Car si nos besoins n’ont pas vraiment évolué, le marché, lui, est totalement parti en sucette. Alors nous avons changé de voiture pour le grand frère hybride rechargeable de l’Ateca. Un SUV PHEV autour duquel deux articles arriveront dans un jour prochain, pas très lointain, c’est promis.

Après revente et tous frais inclus (hors essence et assurance, évidemment), notre SUV Seat nous a coûté 193€/mois. Ce n’est même pas le coût mensuel d’une Dacia Sandero Confort 2021 (en L.O.A). Tandis que cette chouette Civic aurait effectivement été invendable.

Nous avons donc acheté un SUV parce que le marché voulait que nous en achetions un, et nous en avons été satisfaits, parce que ce que nous possédions datait de 4 générations. Parce qu’en vrai, de vrai de vrai, moi, je voulais ça que diable !

On termine par une galerie de cet SUV Seat Ateca qui, mine de rien, était tout de même chouette. D’ailleurs, étrangement, une bagnole devient tout de suite chouette dès qu’elle est nôtre.

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Le Stagiaire
Nourrit à base d'huile de tournesol 15W40 et de chips Vico, le stagiaire n'a pas de nom, parce qu'il ne le mérite pas. Il nettoie les locaux virtuels de Hoonited et entre 2 coups de serpillère virtuelle, il écrit des trucs et taxe des voitures pour les essais.