L’E85 c’est bien, car c’est économique, c’est écologique, mais ce n’est pas la solution miracleEnviron 6 minutes de lecture

Se déplacer en voiture au quotidien, cela coûte cher et le budget énergie représente une grande partie du coût global d’utilisation. Pour baisser celui-ci, les consommateurs n’ont pas 30 solutions, consommer moins d’énergie ou consommer de l’énergie moins chère (de l’E85, par exemple).

Pour consommer moins, les constructeurs n’offrent plus ou moins qu’une solution : conduire comme Pierre Desjardins les systèmes hybrides (micro, full ou plug-in). Ceux-ci consistent à stocker dans une batterie l’énergie cinétique de la voiture afin de la réutiliser à l’accélération, plutôt que la disperser en chaleur (et en usure de plaquettes) lors des freinages.

Pour consommer moins cher, il faut changer d’énergie. En France, on a quelques alternatives aux carburants classiques : l’huile de friture pour les moteurs diesel (mais c’est pénible de faire le plein avec un caddie remplie d’huile Lesieur), et bien sûr l’E85 et le GPL pour les moteurs essence. Sinon évidemment on peut changer de type de propulsion et passer à l’électrique.

L’E85 un carburant cousin du SP95-E10

L’E85 est donc un carburant qui peut, à certaines conditions, remplacer le SP95-10.

Il est composé en été de 85 % d’éthanol et 15 % d’essence. En hiver le mélange peut varier jusqu’à 65/35, bien évidemment sans que le nom du carburant ne change. La baisse de la proportion d’éthanol en hiver dans le mélange est due à la difficulté de démarrer les moteurs à froid avec le cocktail été, l’éthanol étant moins inflammable que l’essence. A titre de comparaison, le SP95-E10 est composé, toute l’année bien sûr, de 90 % d’essence et 10 % d’éthanol.

A savoir, l’indice d’octane de l’E85 est bien supérieur à celui du SP95-E10 : 104 contre 95. Ceci n’est pas sans conséquence.

L’E85 un carburant moins énergétique que le SP95-E10

Toutefois, l’éthanol pur contient moins d’énergie que l’essence pure : un litre d’essence offre l’équivalent d’environ 9,9 kWH d’énergie, alors qu’un litre d’éthanol n’en comprend que 5,9.

On conçoit donc aisément qu’un litre d’E85 fournit moins d’énergie qu’un litre de SP 95-E10. Un litre d’E85 « été » contient environ 6,5 kWh d’énergie contre environ 7,3 kWh pour un litre d’E85 « hiver », et environ 9,5 kWh pour un litre de SP95-E10.

Le déficit d’énergie compris dans un litre d’E85 est donc d’environ 31 % par rapport au SP95-E10. C’est ce qui explique la surconsommation de carburant lorsque de l’E85 est utilisé en lieu et place du SP95-E10.

Évaluation de la surconsommation d’E85

Cet écart est heureusement partiellement compensé par l’indice d’octane plus élevé de l’E85 qui permet une meilleure combustion. En étant le plus transparent possible et sans être en faveur de l’un ou l’autre carburant, on peut ainsi dire que :

• une voiture prévue dès la sortie d’usine (donc optimisée) pour fonctionner à l’E85 consommera environ 20-25% de plus d’E85 que de SP95-10,
• une voiture sur laquelle un kit E85 a été installé (donc non optimisée) consommera environ 25-30 % de plus d’E85 que de SP95-10,
• une voiture qui roule avec de l’E85 grâce à une reprogrammation (et donc sans kit légalement installé) est une voiture non-conforme qui peut être mise en fourrière.

L’E85 un carburant encore relativement bon marché

Au moment où nous écrivons ces lignes, le prix moyen en France d’un litre d’E85 est de 1,14 €. A titre de comparaison, un litre de SP95-E10 vaut 1,85 €. L’E85 reste donc aujourd’hui presque 40 % moins cher que le SP95-E10.

Certes, l’écart est moins important que début 2021 (0,75 € versus 1,67 €, soit -55 % au bénéfice de l’E85), mais celui-ci reste malgré tout significatif et on peut avoir bon espoir qu’il croisse à nouveau, au bénéfice des usagers de véhicules Flexfuel (compatibles E85).

En effet, le prix à la pompe de ce carburant a presque doublé en un an. La cause de cette augmentation est double : d’une part l’augmentation du coût du pétrole (soit pour 15 à 35% de la matière première), d’autre part, l’augmentation du blé, céréale la plus utilisée pour la production d’éthanol, dont le deuxième producteur européen était en 2021 l’Ukraine. On peut émettre l’hypothèse qu’un jour, le prix du blé, et en conséquence celui de l’éthanol, baisse à nouveau.

Un coût d’usage très avantageux

Au quotidien, l’usager d’un véhicule Flexfuel (compatible E85 acceptant toujours du SP95-E10, SP95, ou SP98) fait des économies.

Ainsi, le budget carburant pour parcourir 100 km avec une Seat Ibiza 1.5 TSI, qui consomme 7,2 litres de SP95-E10 aux 100 km en conditions réelles et en conduite dynamique, est donc de 13,32 € avec ce carburant, alors qu’il serait d’environ 10,45 € après l’adoption d’un kit E85.

Pour une Ford Fiesta Flexifuel, vendue par Ford dès l’origine adaptée à l’E85, le budget carburant est de 10,26 € aux 100 km alors qu’il serait de 13,60 € si on avait recours à du SP95-10. Pour 12 000 km par an l’économie est de 400 €. Et si l’E85 redescendait au prix d’1 € le litre l’économie annuelle serait de 552 € !

Pour un Land Rover Discovery Flexfuel, déjà optimisé, l’économie est substantielle. Le coût aux 100 kilomètres passe de 20,24 € à 15,28 €. Pour un usager moyen qui parcourt 12 000 km par an cela représente une économie de 600 € par an !

Des émissions polluantes réduites !

L’avantage économique de l’E85 est indéniable. Mais il en est un autre encore plus important : son bénéfice écologique.

L’E85 améliore la qualité de l’air en réduisant jusqu’à 90 % les émissions de particules fines par rapport à l’essence. Concrètement, si vous voulez respirer directement ce qui sort d’un pot d’échappement, mettez vous derrière la 208 de ma belle-mère, passée à l’E85 il y a 3 ans, plutôt que derrière la même 208 non convertie.

L’E85, permet également de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de plus de 2/3 « du puits à la roue » et d’environ 40 % à l’échappement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle en France, les véhicules E85 d’origine qui émettent moins de 250 g de CO₂/km bénéficient d’un abattement de 40 % sur leurs émissions de CO₂ pour le calcul du malus écologique.

L’atout écologique est si important qu’il se constate au Brésil régulièrement (pays où de nombreux véhicules Flexfuel sont en circulation). Là-bas, les usagers changent de carburant en fonction du prix et il a été remarqué que lorsqu’il devenait plus avantageux de rouler à l’essence qu’à l’éthanol, la pollution atmosphérique augmentait !

Alors évidemment ce n’est pas parfait, mais c’est mieux. Et c’est déjà très bien.

Les inconvénients de l’E85

Nous avons déjà évoqué la surconsommation induite pas l’utilisation de l’éthanol. Celle-ci est largement compensée par le coût du carburant, cependant l’autonomie des véhicules Flexfuel est de facto plus limitée lorsqu’ils tournent à l’E85. D’autres inconvénients à l’utilisation de l’E85 existent.

Tout d’abord, toutes les stations essence ne disposent pas d’E85. C’est un point qu’il convient cependant de nuancer car plus de 3 200 stations (sur 9 900) distribuent en France de l’E85, et ce nombre est croissant. En bref, vous trouverez toujours une ou plusieurs stations autour de vous (grâce aux applis sur smartphone notamment) et, si exceptionnellement cela n’était pas le cas, vous pourriez toujours faire le plein de SP95-E10. En effet tous les véhicules compatibles à l’E85 acceptent indifféremment l’E85, le SP95-10, le SP95 et le SP98.

Deuxièmement, peu de constructeurs proposent des véhicules Flexfuel d’origine : Jaguar, Land Rover et Ford. C’est tout. Cela explique qu’aujourd’hui vous ne trouverez que le Ford Puma et la Ford Focus comme véhicules accessibles (30 000 euros et moins).

Troisièmement, les constructeurs refusent de maintenir leur garantie lorsque les véhicules sont convertis (légalement bien sûr, c’est à dire avec des boîtiers homologués et non via une reprogrammation sauvage). Les fabricants de boîtiers éthanol reprennent la garantie constructeur du véhicule à leur compte pour les pièces entrant en contact avec l’E85 (à savoir la pompe à essence, le réservoir, etc.), toutefois la mise en jeu de cette garantie et les échanges à venir entre l’usager, le fabricant du boîtier et le constructeur de la voiture, paraissent d’ores et déjà longs et délicats.

La compatibilité des voitures à l’E85

Tous les modèles ne sont pas compatibles à l’E85.

D’une part, la voiture doit avoir été produite après 2000 et la plupart des installateurs refusent de poser un kit E85 pour les voitures ayant déjà parcouru plus de 80 000 km.

D’autre part, certains moteurs trop complexes (Mazda RX-8 ou Skyactiv-X), ou bien trop peu fiables (1.2 Tce Renault-Dacia-Nissan, 1.6 Prince PSA-BMW-Mini) ne sont pas conseillés pour des conversions.

A l’inverse, d’autres moteurs sont très facilement adaptables : Toyota et Lexus hybrides, 1.3 Tce Renault-Mercedes, notamment.

Bilan

L’E85 fait faire des économies et pollue moins, c’est pas mal, non ?

Oui, c’est une très bonne solution. On comprend d’ailleurs le grand succès que rencontrent les modèles Ford (Kuga, Fiesta avant son arrêt, Kuga FHEV) équipés d’origine à l’E85.

Certes, ce n’est pas parfait, car installer un « kit éthanol » en cours de vie de son véhicule a un coût : environ 1 000 € dont une partie peut être prise en charge par la région, le département, tata Suzanne (cette dépense se retrouvant cependant à la revente du véhicule). Par ailleurs, cela peut impacter la prise en charge des frais de réparation au moment où l’on peut avoir à faire jouer la garantie.

Ce n’est pas parfait non plus car, pour que la production d’éthanol ne crée pas de concurrence avec les céréales destinées à l’alimentation (ce qui n’est pas souhaitable, on doit tout de même pouvoir se nourrir avant de pouvoir se déplacer !), il faut que la demande d’éthanol ne soit pas trop importante. En clair l’usage de l’E85 c’est bien, c’est très bien même, mais il ne faut pas trop le dire aux copains.